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10 janvier 2014 5 10 /01 /janvier /2014 09:24

Je publie sur le blog une petite contribution trouvée sur le net, dont je mets le lien ci-dessous.

Si ce petit texte suscite vos commentaires et remarques, ne vous privez pas ...

 

 

Imagination et imaginaire

Notre culture actuelle cultive une attitude ambiguë à l'égard de l'imagination: d'une part est faite son éloge et exaltation en tant que « reine des facultés » (Baudelaire), chacun réclamant son droit à l'imagination; d'autre part une méfiance se dégage de la séduction des images (cinéma, télévision, appareils d'immersion dans une réalité « virtuelle ») qui pourraient nous entraîner dans un monde « déréalisé ».
Mais qu'est-ce que réellement l'imagination ? L'imaginaire se situe t'il vraiment à l'opposé du réel ? Ou bien peut-elle être aussi une source de connaissance ? Est-ce plutôt une force ou une faiblesse pour l'Homme ?


Qu'est-ce que l'imagination ?

La faculté de représentation mentale d'un objet

C'est Aristote qui a établi la distinction entre les diverses facultés de la connaissance: la sensation, l'imagination et l'entendement.
L'imagination est le pouvoir de se représenter un objet même en son absence et de l'examiner indépendamment des sens. L'imagination fonde l'intelligence en ce sens que l'individu, au lieu d'être asservi à la situation présente, dispose d'un ensemble d'images (essentiellement les souvenirs) pour la comparer avec elles. Si cette comparaison peut induire en erreur (par exemple le sel qui évoque le sucre), elle est à la base de l'apprentissage.
Si l'imagination est indispensable à la pensée, elle ne lui est cependant pas assimilable: celui qui imagine dispose de la faculté de faire apparaître à son gré une image quelconque, mais il ne formule pas de jugement sur la « réalité » qu'il a fait apparaître (il reste « neutre »).

Imagination et jugement

Faculté essentielle, l'imagination est un pont entre la sensibilité et la pensée qui permet le jugement.
D'une manière générale, le jugement met en relation deux termes: ce dont on parle (le sujet) et ce qu'on en dit (le prédicat). Dans l'affirmation « la Terre est ronde », le sujet est la Terre et le prédicat la rotondité. Le sujet est nécessaire: on ne formule pas de jugement sur rien. Le jugement confronte donc la compréhension de l'objet (le sujet) et un concept (le prédicat). Cependant, plusieurs obstacles se dressent entre impression sensible et concept: opposition du concret et de l'abstrait, du divers et de l'un (un ensemble d'individus et l'Homme « en soi »), du particulier et de l'universel. C'est l'imagination qui joue ce rôle entre l'expérience directe qui définit l'objet et l'entendement qui définit le concept. Elle assure ainsi un rôle de médiation.

Les limites de l'imagination

L'imagination est quelque chose de limité. Je peux concevoir un chiliogone (polygone à mille côtés) mais je ne peux pas me le représenter mentalement. « Je ne puis imaginer les mille côtés d'un chiliogone comme je fais des trois d'un triangle, ni pour ainsi dire, les regarder comme présents avec les yeux de mon esprit » écrit Descartes dans ses Méditations. Et même si j'essayais de l'imaginer, la représentation qui en résulterait serait si vague et confuse que je ne pourrais connaître quoi que ce soit du chiliogone. Il en est de même pour la théorie de la relativité: l'idée du concept peut-être claire, je n'en ai pas moins du mal à me l'imaginer.


L'imagination, forces et faiblesses

L'imagination, maîtresse d'erreur

« Quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses, dont on n'admire point les originaux » écrit Blaise Pascal (1623-1662). « Vanité » est ici à comprendre dans le sens d'absence de consistance et de signification. Ce qui dans la nature ne suscite aucun intérêt est paradoxalement regardé avec admiration dans une image. L'imagination fait ainsi paraître digne d'intérêt ce qui en réalité ne l'est pas. On est assez proche ici de la critique platonicienne.

Pascal développe sa critique de l'imagination: l'imagination, dit-il, « c'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du mensonge » (Pensées). Pour Pascal, l'imagination peut l'emporter sur la connaissance rationnelle: « le plus grand philosophe du monde sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra ». Dans cet exemple repris de Montaigne, Pascal nous dit que la planche que l'on sait plus large qu'il ne faut pour traverser sans danger l'abîme sera vue comme trop étroite: l'imagination nous dicte un jugement erroné.

Bergson et la fonction fabulatrice

La « fonction fabulatrice » est pour Henri Bergson (1859-1941) une forme spécifique de l'imagination (fabula, c'est ce qu'on raconte) qui nous permet de « créer des personnages dont nous nous racontons à nous-mêmes l'histoire » (Les deux sources de la morale et de la religion). Cette fonction serait née selon Bergson, au cours de l'évolution, au moment de la séparation entre l'instinct et l'intelligence. L'intelligence, en engageant l'homme dans la voie de la technique, s'est révélée féconde, mais en faisant disparaître au moins partiellement l'instinct, elle s'est révélée aussi dangereuse. L'intelligence donne à l'homme la représentation de l'avenir: ainsi est-il conscient des aléas de la vie et de la mort qui se profile à l'horizon, le plongeant par là dans l'angoisse.
La fonction fabulatrice est destinée à remédier à cet effet. Elle a pour but de faire naître des représentations imaginaires qui forment un contrepoids à l'action « dissolvante » de l'intelligence: la Providence qui veille à protéger les hommes des imprévus de la vie et le Salut qui donne l'espérance d'une après-vie. Ainsi est apparue la religion.
Cette fonction fabulatrice est par la suite aussi devenue un « jeu » auquel nous nous adonnons avec plaisir: les romanciers et dramaturges ne sont que les lointains héritiers de la poésie imaginaire qui créa les esprits et les dieux.

Le rêve, le désir et le fantasme

La puissance de l'imagination permet de réaliser mentalement tous les désirs et fantasmes. Il s'agit ici de nier la réalité en faveur d'autre chose afin de compenser les insatisfactions de la vie réelle. Le désir est par là partiellement satisfait sur un autre plan que celui de la réalité.
L'imagination est particulièrement présente dans les rêves et dans ce sens se développera l'analyse freudienne. De ce point de vue, l'imagination paraît être la garante d'une certaine santé mentale. Dans le rêve en particulier, le psychisme trouve un moyen privilégié d'exprimer, sous forme d'images et d'histoires, des désirs refoulés et ainsi d'évacuer une partie de la frustration engendrée par le réel qui menace à terme l'équilibre psychique.



L'imaginaire n'est pas le réel, mais ce ne n'est pas pour autant un domaine totalement déconnecté de celui-ci. Les images produites par l'imagination ne sont jamais de pures créations ex nihilo (issues de rien). L'imagination peut avoir une fonction reproductrice (souvenir) ou créatrice (Newton qui imagine la possibilité d'une attraction universelle ou Mozart qui imagine une sonate). Elle reproduit, invente, substitue. Symbole de liberté (droit à chacun de rêver, fantasmer), l'imagination, associée à la raison, représente une force spécifique de l'esprit humain.
 

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