17 janvier 2008
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CREATION ARTISTIQUE
A. Création divine, création esthétique
Signification théologique très marquée. Suivant le contexte, il peut prendre deux
sens très différents :
a) Dans les religions du Livre, la Création est envisagée comme
un acte absolu, Création ex nihilo, qui du néant sort le Tout l’univers. Dieu crée à partir de rien, absolument, sans être déterminé par quoi que ce soit, Une création
absolue précipite un Univers dont les formes sont fixées dès le début. Le temps n’y joue pas de rôle, car les formes sont fixées de toute éternité.
Dans notre culture occidentale, nous sommes encore très marqués par cette idée de
création absolue, du passage du rien au tout que serait le commencement.
b) Dans la plupart des autres types de religion, le geste de la
Création, est pensée de manière différente. Dans une création relative, le geste de la création est une mise en forme d’une Matière qui préexiste, mise en forme qui est la
puissance de la Nature. Le vrai nom de cette création est la Manifestation. Elle ne part jamais de rien. Ainsi
pour les grecs, la Nature est immortelle, comme Dieu est éternel. LaManifestation répond au mouvement duTemps à travers les âges, à travers les cycles de révolution et de création. Telle est la
description que donne Platon dans le Timée de Dieu
De ces deux interprétations de la Création, seule la seconde a parenté
avec le travail de l’artiste. L’artiste ne commence pas à partir de rien, il ne regarde pas du lointain son objet. Il ne suffit pas qu’il en ait une brusque idée pour que la chose jaillisse toute
seule comme par magie dans l’existence. Il met en forme un matériau qui préexiste à son action.
B. L'artiste, l'artisan et l'ouvrier
Il peut y avoir plusieurs types d’activités humaines opérant la
mise en forme de quelque chose : mise en forme technique, artisanale et artistique. Qu’est-ce qui distingue le travail de l’artiste du travail de l’artisan ou de celui de
l’ouvrier ?
1) L'ouvrier est asservi au domaine de la technique, il dépend d’un ordre d’invention dont il ne participe guère, le domaine de la technologie. et la
consommation pure et simple est la fin à laquelle aboutit le
travail.
Quand l’action prédomine à ce point sur la création, on ne saurait parler d’une
œuvre de celui que l’on nomme pourtant un ouvrier.
2) Celui qui par contre a encore le sentiment de réaliser une œuvre,
c’est l’artisan. Par artisan nous entendons ici celui qui,
par exemple, fait de la poterie traditionnelle, qui travaille le cuir ou le tissu, le luthier qui fabrique des instruments de musique. L’artisan a pour lui son savoir-faire, savoir-faire
qui se transmet de génération en génération. Il a la possibilité d’exprimer sa créativité dans ce qu’il réalise, de s’investir dans ce qu’il fait. Il œuvre au sens noble du
terme. L’artisan réalise un modèle et le reproduit à beaucoup d’exemplaires, même s’il peut tendre vers la création d’une œuvre unique en donnant une touche originale à chaque vase de
porcelaine par exemple. Ce n’est pas du travail à la chaîne qui multiplie démesurément le nombre d’objets produits. Ce qui nous plaît dans l’artisanat, c’est ce caractère humain, proche du
caractère unique de l’œuvre d’art, la marque d’un travail humain dans le coup de pinceau sur une poterie. L’artisan garde en commun avec l’artiste une possibilité de création que n’aurait
pas par exemple l’ouvrier, qui dans l’usine doit sortir chaque jour des milliers de plats de tôle emboutie. Le produit artisanal satisfait l’homme de goût qui attache une valeur aux
belles choses, et ne demande pas seulement une utilité immédiate. La table Louis XV après tout est une table, mais elle aussi plus qu’une table industrielle, faite de tubes de métal, elle est
ouvragée, elle a sa finesse de marqueterie, finesse que l’on peut apprécier. Seul le produit artisanal combine harmonieusement l’utilité et une haute valeur expressive. Il faut d’ailleurs noter
qu’avant la révolution industrielle, on ne faisait par vraiment la différence entre artisan et artiste. Les artistes travaillaient sur commande, comme des tâcherons. Les artisans produisaient des
objets souvent finement ouvragés. Avec le recul du temps, le produit artisanal
du passé nous paraît ainsi en même temps une œuvre d’art, ce qu’il pouvait très bien ne pas être pour les hommes du passé. Pour un noble du XVIIème, un
service à couverts en argent n’est pas seulement « utile ». C’est un bien. L’humanité a d’ailleurs pendant longtemps compris la richesse en termes d’accumulation de biens,
comme la possession de belles choses. Est riche l’homme qui possède un beau domaine, qui sait s’entourer de belles choses. N’est pas riche seulement celui qui possède de l’argent, car
l’argent n’est qu’une abstraction. Quel intérêt d’avoir de l’argent s’il n’est pas converti dans des biens qui ont réellement une valeur ? Le sentiment d’un certain raffinement dans
l’art de vivre de celui qui est riche est inséparable d’une jouissance tirée de belles choses, du plaisir de belles œuvres.
.L’artiste libère le pouvoir de la création et parvient à
manifester dans le domaine vivant de la sensibilité la dimension spirituelle de l’humain La puissance d’expression d’une œuvre d’art est essentiellement esthétique. L’art se caractérise
par la recherche de la production d’une valeur esthétique. Il est estimé pour sa valeur esthétique, si bien qu’à ce titre, on finit parfois par se demander si cette évaluation économique ne
finit pas par prendre le pas sur l’évaluation proprement esthétique.
Si donc nous ne retenons que les distinctions conceptuelles
principales on a sous forme de tableau :
ouvrier
|
artisan
|
artiste
|
technique qui repose sur la science
|
technique qui repose sur le savoir-faire
|
technique qui ne repose pas sur un savoir
|
progrès technique
|
progrès seulement dans les moyens (machines, outils)
|
pas de progrès
|
travail technique
|
travail artisanal
|
création artistique
|
objet technique
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produit artisanal : ce qui est « fait main »
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œuvre d’art
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dizaines de milliers d’exemplaires standardisés
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quelques exemplaires personnalisés
|
l’œuvre est unique
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travail contraint : pas de libération des facultés
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travail créatif comportant moins de contraintes, liberté relative
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travail créateur libéré de la contrainte utilitaire : jeu libre des
facultés
|
motivé d’abord par l’intérêt économique
|
enveloppant l’intérêt économique, mais laissant place à la dimension
esthétique
|
travail désintéressé dans son principe, mais qui s’intègre aussi dans
l’économie
|
utilité première, esthétique seconde : esthétique
industrielle
|
utilité + esthétique artisanale
|
esthétique seule : esthétique artistique
|
pour le consommateur
|
pour l’homme de goût
|
pour l’esthète
|
Par contrecoup, l’ère industrielle a eu le mérite de nous apprendre à
distinguer ce qui était autrefois confondu : l’art, l’artisanat ou le résultat d’un travail purement technique. Nous avons en effet un sens du contraste beaucoup plus net que les hommes
d'autrefois.
La situation de l’œuvre est cependant plus complexe que ne tend à le
montrer ce tableau, qui ne met l’accent que sur les différences. La technique apporte à l’art des moyens d’expression nouveaux : des matériaux : cartons, nouveaux coloris de peinture
etc. Elle peut même rendre possible une nouvelle forme d’art. Le cinéma, invention technique a conquis dans une certaine mesure le rang d’un art. De même la distinction entre travail intéressé et
désintéressé est problématique. L’économie enveloppe tellement le champ de la création que l’on se demande parfois si ce n’est pas la valeur économique qui détermine la valeur esthétique :
cf. l’existence d’un marché de l’art dans lequel l’œuvre redevient un objet. Le design industriel lui aussi revendique la valeur d’un art, celui de ce goût de la postmodernité pour tout ce qui est publicitaire. Notre culte pour les productions techniques
est si prononcé, que nous finissons par avoir pour elles un intérêt esthétique : on collectionne aussi les objets techniques pour leur valeur esthétique : le collectionneur de voitures,
de poignées de portes d’objets de la périodes des années 50, 60, 70 etc.
C. Les sources de la création
Ce qui définit en propre la création artistique, c’est surtout son origine. Les sources
de la création esthétique peuvent être recherchées : 1) dans des déterminations externes. 2) à la racine de la créativité artistique.
1) Arrêtons nous sur quelques explications de l’art. Dans
génie, il y a l’idée de génétique. On a parfois tenté d’expliquer l’art comme une prédisposition particulière, dont certains hommes pouvaient être dotés.
On peut faire une remarque du même genre pour ce qui est de
l’explication caractérologique. Celle-ci consiste à mettre l’accent sur les tendances artistiques. Certains hommes naîtraient avec un profil psychologique d’artiste et d’autres pas. En
réalité, il y a toutes sortes de créateurs : le type amorphe (La Fontaine), le sentimental (Rousseau), actif (Victor Hugo). Le talent, la médiocrité, se rencontrent dans tous les types
psychologiques.
Plus fréquente est l’explication psychologique de la création artistique. On a souvent soutenu que la créativité artistique était liée à la « névrose ». Le mythe du
« poète maudit » hante encore nos mentalités.
La psychanalyse a aussi accrédité toutes sortes de réductions faciles.
Freud soutient que l’artiste est un névrosé qui parvient à sublimer ses pulsions sexuelles dans une création esthétique, tandis que le névropathe lui, en reste au seul fantasme solitaire, sans
pouvoir le faire partager socialement. Toulouse Lautrec qui avait un physique disgracieux aurait compensé son complexe d’infériorité, dans un choix de modèles de puissance et de grâce
physique.
Une œuvre est toujours un miroir de son époque. Mais cela n’explique pas un
style, une originalité et la touche brillante du génie. La création artistique n’est pas une simple photocopie sociologique.
Il est vrai que l’art s’adresse à un public, donc à d’autres hommes.
Certains théoriciens ont aussitôt dévalé cette pente, pour voir dans l’art une forme de « communication », un moyen pur et simple de propagande politique. D’où la théorie de l’art
engagé.
L’explication sociologique passe à côté de l’originalité de l’œuvre
d’art et ne voit que ce qui est susceptible de confirmer la banalité des vues sur l'art de l'opinion. Il est très facile de dévaler l’art à n’être que l’expression d'autre chose, de n’en faire
qu’un « moyen » au service d’une fin. Mais n’est-ce pas une dérive de la motivation artistique ? Qu’est-ce qui motive réellement la création ?
2) Il nous faut aller plus loin que ces distinctions préliminaires et
chercher ce qu’est la création à partir de la source dont elle jaillit. On dit d’une œuvre parfaitement réussie qu’elle relève du génie. Il y a incontestablement du génie chez Rembrandt, il y a
un génie éblouissant dans des œuvres comme les Suites de Bach pour violoncelle, dans le Requiem ou le Concerto pour clarinette de Mozart. Par génie il faut entendre
d’avantage que le talent. Le talent artistique c’est surtout ce qui résulte d’une application bien maîtrisée des règles de l’art, ce qui est obtenu avec un travail souvent
laborieux. Dans le film Amadeus, il y a cette extraordinaire rencontre entre Salieri
et Mozart. Salieri est un
besogneux qui peine beaucoup pour écrire une œuvre. Le génie enveloppe le talent, mais en même temps le survole des ailes de son inspiration.
La manière
ne se réduit pas à un ensemble de formules, que chacun pourrait apprendre, ce n’est pas comme une méthode scientifique. Essayer de reprendre des procédés ne
donnera jamais de génie. Le génie n’est pas la simple reproduction de procédés, il est bien plutôt, dit Kant, le talent de produire ce pourquoi ne se peut donner aucune règle, précisément parce
qu’il donne ses règles à l’art. Le génie est donc une disposition innée qui donne à l’art. C’est bien là le paradoxe du
génie : il obtient ce naturel, tout en créant intentionnellement et même en obéissant aux règles de l’art.
. L’inspiration est un état de conscience particulier, dans lequel se trouve mis
entre parenthèses la petite personne, au profit d’une puissance qui la dépasse. Le poète doit sentir ce souffle de l’Esprit le traverser, sans quoi il ne pourra rien créer de grande
valeur. « Le poète est chose légère, ailée, sacrée, et il ne peut pas créer avec de sens l’inspiration, d’être hors de lui et de perdre l’usage de la raison ». S’il le faisait il
n’obtiendrait tout au plus que le produit d’un peu de talent, mais c’est tout. « Ce n’est point par art, mais par un don céleste qu’il trouve tant de belles choses ». Platon met en
rapport l’art du devin qui rend des oracles, comme la Pythie à Delphes qui entrait en transe pour proférer des oracles, et l’art du poète médiocre, parce que ce n’est pas de l’art, mais une force
divine qui leur inspire leurs vers ».
L’activité artistique est un modèle de travail créateur qui s’oppose à
un travail seulement technique. Elle est un vrai travail, parce qu’elle n’est pas un divertissement, elle est travail parce qu’elle produit une œuvre. Elle est travail parce qu’elle est une
création supérieure de l’esprit. Elle est travail parce qu’elle est aussi une élévation de l’esprit et un travail sur soi. Il est bien rare que nous soyons capables de mettre de l’art dans notre
travail et pourtant nous pourrions aussi voir la vie humaine sous un angle artistique et comprendre que nous sommes créateurs de notre propre existence.
Par contre, il est assez naïf de voir l’artiste comme une sorte
d’excentrique qui a eu la chance de pouvoir se distraire tandis que les autres triment laborieusement ! Ne jugeons pas de l'art à l'aune des productions commerciales et du divertissement. C’est
se méprendre à la fois sur le sens de la création artistique et sur le sens du travail. Nous voyons donc que l’idée même d’œuvre d’art ne va pas de soi. Il est nécessaire de préciser la frontière
entre création artistique et divertissement.
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Les grands types de créativité
Certains chercheurs pensent que la créativité est un concept hétérogène et qu'il y a des types de créativité.
Par exemple, on peut facilement distinguer les types suivants de créativité :
La créativité scientifique
Abraham Moles, dès 1957, lui a consacré un livre : La création scientifique, Kistler, Genève.
Il faut très vite distinguer la créativité propre à la physique (Richard Feynman), de celle propre à la chimie et de celle spécifique à la médecine.
Beaucoup de sérendipité en chimie (aspartame) et en médecine (Viagra).
La créativité organisationnelle
Isaac Getz, Créativité organisationnelle, Vuibert, 2002.
La créativité sociale (social creativity) ]
Christophe Mouchiroud de l'Université René Descartes-Paris 5 en a fait un objet de recherches autonome.
La créativité architecturale
Le Prix Pritzker qui ne fait l'objet d'aucune controverse (à l'inverse des prix littéraires en général en France ou de prix artistiques comme le Prix Turner
en Grande-Bretagne et ou le Prix Marcel Duchamp en France) nous fournit un corpus de travail quasi scientifique pour analyser ce type de créativité.
La créativité littéraire
On vient de rééditer les trois mémoires d'Alfred Binet sur le sujet. Ils datent, des années 1900. Le meilleur livre sur le sujet reste celui de Gabriel
Veraldi, prix Femina 1954, et de Brigitte Veraldi, docteur ès-lettres, Psychologie de la création Denoël, 1972.
La créativité mathématique
Une créativité abstraite, à base le plus souvent d’intuition.
La créativité pratique
C'est celle qui permet à l'équipage d'Apollo 13 de s'en sortir avec le bricolage de la « mailbox » sous la direction d'Eugene Kranz. C'est celle
qui correspond à la résolution de problème pratique, mais avec un plus, la [[résolution créative]] de problème pratique.
Elle correspond à la première définition donnée par Paul Torrance.
La créativité stratégique
C'est celle de Lawrence d'Arabie imaginant de passer par la terre pour prendre la forteresse imprenable d'Aqaba. C'est celle d'un joueur d'échecs.
JPL
(Cf Wikipédia)
JPL
(Cf Wikipédia)