une réaction après la séance consacrée à l'identité

Proposition sans obligation d'achat!  

Si la philosophie m'oblige à me poser sans cesse de nouvelles questions, la vie, elle, me demande tous les jours de nouvelles réponses...

Alors est-ce une position philosophique louche de se dire qu'il y a des questions pour lesquelles l'homme n'est pas accrédité?

Se poser des questions, d'accord, mais autant ne pas pagayer trop longtemps dans la semoule.   La question du moi, du je, de l'identité, est de celles-là. Parce qu'en définissant (empiriquement) un je pense donc je suis, je est un autre, je suis celui que suis, (etc...) je condamne celui qui échappe à ma règle à ne pas être; en reconnaissant un Dieu, je condamne les autres à ne pas être, en reconnaissant un être vivant qui est, je condamne les autres à ne pas être, en reconnaissant un tout qui est, je condamne le reste à n'être rien.

Je m'auto analyse, je m'allonge à côté de moi, Fort de ces définitions du je, je construis l'univers autour de moi, je décide d'être immortel, j'accède à l'éternité, je détermine les raisons de la mort et de la vie, et selon que je suis de Bruxelles, du Vatican ou de Paris, j'autorise ou je condamne la vie, j'autorise ou je condamne la mort. C'est bien mon identité d'homme, mon importance, mon avenir d'être pensant, mon aventure d'être élu, d'être sacré, qui passe avant tout puisque je suis et que le reste n'est pas. Il faut que je subsiste quitte à ce que tout ce qui n'est pas disparaisse.

Les philosophes se sont-ils posés les bonnes questions pour que les hommes donnent d'aussi étranges réponses...

Le bilan ahurissant des catastrophes humaines liées au je, à l'homme, au sacré moi, devrait nous inciter à quitter ce chemin de mort.

La philosophie spéculative est une philosophie autoritaire, aventureuse, et dangereuse (il me semble!!!)...Mais si la philosophie est aussi une recherche d'une certaine sagesse, d'une certaine joie, du calme, elle doit, sans s'obliger à donner des réponses, se résoudre à s'encombrer le moins possible d'erreur. Or il est des domaines où l'inconnu occupe plus de place que le connu, ou le mystère enveloppe la réalité.

Faut-il pour autant déserter le champ des idées ? Non évidemment. Mais les questions seraient différemment posées sans notre étouffante identité. Ce pourrait être plutôt que "combien d'espèces végétales et animales puis-je détruire sans que cela ne nuise à ma survie?" ; "Quel préjudice, quel tort, quelle peine (!) ai-je causé aux êtres vivants qui m'entourent ?" plutôt que "suis-je un criminel d'embryon ou de grabataire ?" ; " Quelle est la proportion de joie, de sérénité ou de détresse que peut engendrer mon acte ?"  

Tous les jours, il me semble, nous menons ce combat intérieur, entre la volonté de chercher, de savoir, de nous connaître, et le besoin de lâcher prise, d'arrêter de nous triturer. C'est ce qui nous empêche aussi parfois de devenir dingue ! et de temps en temps, d'être heureux !

Alors j'ai assez de problèmes ici bas pour penser comme Epicure que la mort ne me concerne pas, que le meilleur service à rendre à Dieu s'il existe est de ne pas me mêler de ses oignons, et par conséquence, je n'ai pas envie de me risquer, avec mes deux ou trois convictions ou sensations foireuses, à définir moi-même mon identité ; ce serait à bien des égards un péché d'orgueil ou pire, une absurdité.

C'est être un bien piètre philosophe que de ne pas se poser de mortelles questions ; ça n'en demeure pas moins une posture philosophique à ajouter à la somme de ces questions...

C'est ce qu'on pourrait appeler la base de l'humilité ; ça paraît parfois la moindre des choses. Ce n'est pas renier sa conscience, c'est se servir d'elle pour l'inviter à se calmer !!!  

Didier